CHAPITRE PREMIER
— …Finalement, on s’en tire plutôt bien, hein Cap ? Mais je serai plus tranquille quand on aura filé, dit l’immense type de droite, devant le comptoir lumineux du faux bar. Ces Miliciens de l’Administrateur avaient une sale gueule, tout à l’heure.
Il fallait bien, à Michelli Strati, le plus grand des deux hommes, sa voix d’ex-Sarge-Major, habituée à gueuler les ordres, dans le vacarme du combat, pour se faire entendre de son compagnon, dans ce brouhaha de cris, et de rires vulgaires. Ce n’était pas la délicatesse qui régnait, sur cette planète excentrée, loin des circuits économiques. M 75 II, de la constellation de la Flèche, sous simple Protectorat d’Altaïr, était même une caricature de ces planètes peuplées de pionniers, en retard d’un siècle, sur l’Univers habité, le Monde, comme on disait couramment. Dans tous les domaines… Y compris dans celui des cafet’.
Celle-ci – Dieu sait pourquoi le mot cafet’ avait traversé les millénaires – était pleine de types à l’air rudes ou carrément de brutes qui ne savaient pas faire autre chose que brailler. Ils étaient vêtus de vieilles combinaisons de travail, tachées, déchirées. Les hommes comme les femmes. Ils étaient aussi nombreux les uns que les autres, et buvaient sec. Leur crâne tondu, c’était la coutume sur les planètes de pionniers, accentuait encore la brutalité de leur visage.
Son compagnon et lui, qui détonnaient dans cette salle par leur comportement, étaient donc debout, accoudés au traditionnel bar automatique, en forme de rectangle au milieu de la grande salle, d’où chacun avait accès aux multiples clapets des différentes boissons disponibles, et aux lecteurs de bracelets pour payer ce qu’ils consommaient. Même penché en avant, ainsi, les avant-bras appuyés sur le plasto lumineux figurant des paysages changeant, d’un remarquable mauvais goût, ce type avait une stature de colosse. Mais ce n’était pourtant pas le mot exact. En réalité, Michelli Strati était un athlète remarquable. Un mètre quatre-vingt-seize de muscles noueux et un tour de taille étonnement étroit. Quand il était nu, son torse faisait un véritable triangle ! Sa mine inspirait la méfiance. Le front assez étroit, sous une chevelure non pas brune mais carrément noire, touffue, ses traits plutôt grossiers, curieusement illuminés, parfois, par un sourire insolite de gentillesse, donnaient une impression de brutalité maîtrisée.
Son compagnon, accoudé lui aussi, avait un visage assez allongé, plutôt sévère, même si l’on devinait que cela ne correspondait pas à sa personnalité profonde. Son front, assez haut, le nez un peu déformé par une ancienne fracture, les traits marqués, la large bouche, sensible et les cheveux blonds foncés, lui donnaient une physionomie intéressante plus que vraiment harmonieuse. Il mesurait autour d’un mètre quatre-vingt-six et avait une musculature beaucoup moins spectaculaire. Plus sèche. De celle des puncheurs aux coups définitifs ! Il fallait le voir se déplacer pour comprendre qu’il devait s’agir d’un combattant expérimenté, souple, rapide. Lui aussi avait un tour de taille mince qui trahissait un entraînement jamais relâché.
Tous deux avaient un point commun, ils portaient les vieilles combinaisons beiges de travail des Brigades d’Assaut – les B.A. les troupes d’élite d’Altaïr, des troupes de choc – dont les galons avaient été enlevés, laissant une trace claire, sur le tissu spécial. De même que l’emplacement des insignes indiquant les campagnes… Ils devaient tenir à ces anciennes “combin’s” – du modèle flottant un peu le long du corps et ne s’y collant pas comme les dernières – parce qu’elles étaient constellées de pièces auto-soudées pour réparer une faiblesse d’une matière théoriquement inaltérable.
Le bruit était tel que les deux hommes devaient se pencher l’un vers l’autre pour s’entendre.
— La taxe qu’ils nous réclamaient est bidon, répondit Ael, le plus petit, ou plutôt le moins grand. Ils bluffaient. Protectorat ou pas, les taxes sont les mêmes partout et celle-ci n’existe pas, chez nous, sur Altaïr.
— Remarque je préférerais que tu aies raison ; ça me ferait mal de leur laisser 25% de ce qu’on a gagné en vendant nos Plateaux de transport aux pionniers des fermes d’élevage et de culture. C’est cet Administrateur qui me titille. Imagine qu’il fasse bloquer au sol notre BDLD.
— Légalement, il n’en a pas le droit. Tu as bien vu qu’en patrouille les Miliciens n’avaient même pas de lecteurs portables de bracelet d’identité ? Ils ne connaissent pas notre identité et comme l’astroport n’a ni balise de guidage, ni de contrôle d’approche, leur Contrôle au sol n’est pas qualifié, officiellement. Ils ne connaissent même pas l’immatriculation de notre BDLD.
— Alors pourquoi les Miliciens nous ont fait ce cirque ?
— Je suis sûr que pendant les onze ans de guerre on n’a jamais vu un bâtiment d’Altaïr ici. Le gouvernement de la Fédération avait autre chose à faire qu’à visiter ces petites planètes lointaines, sans intérêt parce que non industrialisées. Il n’y a jamais eu la moindre bataille dans ce secteur. En revanche, l’Administrateur local a dû penser, peu à peu, qu’il était le maître absolu. Qu’il pouvait tout se permettre. Je pense qu’il a dû amasser une fortune, avec les pionniers ! Ça n’était pas eux qui pouvaient grand-chose contre ces voyous de la Milice.
Michelli hocha la tête, avant de lancer :
— Tu reprends une dose de Vixal, Cap ?
Depuis des années, il ne l’avait jamais appelé autrement que Cap, l’abréviation de Capitaine et, depuis la fin de la guerre, il avait continué…
Ael Madec tourna vers le colosse un visage équilibré mais aux traits marqués, affichant brusquement un air faussement stupéfait.
— Tu veux m’offrir une seconde tournée ? Eh, tu te sens bien, Sarmaj ? Tu dépenses ton argent, là ! Ça ne te ressemble pas…
Dans les Brigades d’Assaut de l’Armée d’Altaïr, on disait communément Sarmaj pour Sarge-Major, le grade le plus élevé des sous-officiers.
— Ben, on a réussi, non, Cap ? On s’est tiré sans casse de cette foutue guerre ; enfin presque, à part ton crâne ; on a un petit engin spatial… On en avait rêvé pendant toutes ces années, non ? Et on vient de ramasser une belle somme, dès le premier voyage. Ça vaut bien un petit extra !
Ael secoua doucement la tête.
— Cette cafet’ me flanque plutôt le cafard. Regarde ces types, autour de nous. Un ramassis de minables, de brutes plus ou moins ivres, qui n’ont jamais été au combat, tu peux me croire. Ils se sont fait oublier, ici. Remarque, pour ça je ne leur donne pas tort.
— Pas de combattant, pas de combattant, c’est vite dit, reprit Michelli. T’as pas vu la fille, à notre droite, sur l’autre bord ?
Les yeux d’Ael tournèrent sans qu’il ne bouge le visage.
— Pas remarquée. Eh… mais c’est la combinaison des Divisions de Combat de Procyon qu’elle porte ! Ça ne te fait pas une curieuse impression de voir cette tenue, comme ça, tranquille, ici, après avoir passé 11 ans à se battre contre ceux qui la portaient ?
— Ben, la guerre est finie, pas vrai ? Tu leur en veux ? fit Michelli.
— Aux gars de Procyon ? Oh ça, non ! Il y a bien longtemps que je me sens plus proche des gars d’en face, qu’on a combattus, que des civils de chez nous ; je parle des planqués qui se sont trouvés un emploi réservé pour ne pas aller au combat, à qui je n’ai rien à dire ! C’est simplement… enfin c’est la première fois, tu comprends ?
— Dis-donc, elle a l’air d’avoir drôlement servi sa combin’, lâcha Michelli, amusé soudain. C’est marrant, elle est autant rafistolée que les nôtres ! Alors eux aussi, ils l’ont tellement portée que c’est une deuxième peau ?
— Une “deuxième peau,” belle expression, mon petit Sarmaj, fit Ael, amusé.
— Allez, me charrie pas, Cap.
— Mais je suis sérieux, au contraire. Une deuxième peau… Je pensais avoir gardé ma vieille tenue, un peu par habitude et un peu par provocation à l’égard des civils qui la ramènent, je trouve. Mais c’est toi qui as raison. C’est une deuxième peau pour moi aussi. Marrant, ça !
Du coup, il regarda franchement la fille, remarquant qu’elle avait décollé ses galons, elle aussi. D’après leur emplacement, elle avait été officier – on devinait le double éclair de Lieutenant-Ancien, visible sur le gris clair de la combinaison légèrement floue – elle aussi. Elle était plus jeune qu’eux et sa peau n’avait pas eu le temps de se marquer autant que la leur. Son visage était d’un bel ovale avec des traits fins. Elle aussi avait un front haut mais son visage, sans avoir l’apparence d’une véritable beauté, révélait à la fois une grande maîtrise et un charme certain. Juste une petite ride, au front et deux autres, de chaque côté de la bouche.
Pas à force de sourire, comme un ignorant eut pu le croire, mais pour avoir souvent gueulé, en ouvrant grand la bouche pour se faire entendre, comme on est bien obligé de le faire, dans le fracas d’une bataille.
Elle portait des cheveux très courts, blond cendré, ce qui semblait encore la grandir, et ses yeux paraissaient marron foncé. Elle devait tout de même avoisiner le mètre quatre-vingts.
La fille avait senti son regard et le dévisageait, bien en face, le visage impassible.
Ael reconnut, en elle, quelque chose de lui-même. Instinctivement, il leva discrètement son gobelet et eut un petit geste dans sa direction. Comme l’ébauche d’un toast.
Pas plus qu’auparavant, elle ne trahit aucun sentiment mais, sans hésiter, à son tour, elle leva son gobelet pour répondre. Aussi discrètement.
Ael songea au côté étrange de la scène. Deux anciens ennemis qui s’étaient combattus avec fureur, se saluaient comme s’ils avaient quelque chose en commun…
C’était exact, d’ailleurs. Ils avaient connu ces attaques dont on ne sait jamais si on reviendra vivant, si l’ennemi, que l’on croit surprendre, ne va pas brusquement ouvrir le feu à bout portant, et ces peurs atroces qui font crisper le ventre jusqu’à en avoir des courbatures. Ces assauts sauvages enfin, dont on ne sort jamais intact, au moins moralement. D’après sa combinaison de combat elle avait connu tout cela, elle aussi…
C’est à cet instant qu’il remarqua les trois voyous qui venaient de s’immobiliser derrière elle, dans un espace laissé libre, au fur et à mesure, par la foule. Il réagit d’instinct, le coude toujours appuyé sur le comptoir, levant le poing serré et le faisant pivoter brusquement.
Elle avait vu le regard d’Ael dévier et comprit immédiatement l’avertissement, faisant demi-tour sur elle-même, ses épaules fléchissant légèrement.
Curieusement, le silence se fit dans la salle. Comme si tout le monde avait été au courant de ce qui se préparait…
— Alors, la Procyon, lança la brute de droite, ça te plaît nos alcools ? Y en a plus chez toi ?
Ael et Michelli, tendus, observaient la nuque de la fille qui laissa tomber d’une voix indifférente :
— Tu n’écoutes pas la holo officielle, machin ? Tu ne sais pas que nos grands dirigeants ont décidé qu’on était tous frères, maintenant, Procyon et Altaïr ? Une seule Union Fédérale.
— Pour nous, fit l’un des autres hommes, y a que des pourris de Procyon. Et on vous a foutu la branlée. Ceux qui restent on s’en charge nous-mêmes.
— Ça peut être dangereux, remarqua la fille du même ton égal.
— Ah bon, tu commences à avoir la trouille ?
— C’est à vous que je pensais.
Ael bougea légèrement et Michelli, le sentant, commença à se redresser doucement.
— Sarmaj, je n’aime pas du tout ça, glissa-t-il. À travers elle, c’est à nous tous que ces types s’en prennent.
— Les ordres, Cap ? se borna à interroger Michelli.
— On la rejoint lentement, par la droite, pour ne pas se faire remarquer, si on en a le temps. Dès que ça commence, direction la porte, il y a trop d’adversaires potentiels dans cette salle. Tu mesures tes coups. Pas de morts. Mais tu peux cogner là où ça fait mal.
— Reçu Cap, ensuite ?
— On stoppe derrière la porte, pour freiner leur sortie et on fonce à la BDLD.
— Compris !
Ils commencèrent à reculer du comptoir pour se glisser entre les groupes en regardant ostensiblement ailleurs. Tout le monde avait les yeux braqués vers la fille. Ael continuait à écouter. Elle prenait garde à ne pas provoquer ses adversaires, mais ne montrait pas de crainte.
Bien ! Elle montrait là son expérience. Un vrai combattant évite la bagarre, aussi longtemps que possible. Parce qu’il sait que tout peut s’y produire.
Les deux hommes passèrent l’angle du bar et continuèrent à progresser, se glissant entre les témoins, trop attentifs à ce qui allait se produire pour protester. Encore un gars. Ael voulut y aller doucement pour le contourner quand l’un des voyous lança :
— Tu parles bien, la Procyon ; on va voir si tu encaisses aussi.
Cette fois le déclenchement de la bagarre était une affaire de secondes. Ael n’hésita plus. Sa main agrippa l’épaule du dernier type, devant lui, et le balança sur le côté sans avoir l’air de faire un effort. Puis il fit rapidement un pas en avant, se retournant pour s’adosser au bar, à côté de la fille, sentant Michelli faire la même chose sur son autre flanc.
Il y eut un flottement, en face. La stature du Sarmaj faisait toujours cet effet-là !
— Quelque chose qui ne va pas, les gars ? demanda Ael d’une voix calme. Vous reconnaissez nos uniformes, je suppose ? Si quelqu’un, ici, a le droit de dire quelque chose à propos de cette fille, c’est nous. Et seulement nous. J’interdis à n’importe quel planqué d’insulter un combattant de Procyon devant moi. On est d’accord ? Et puis un contre trois, ça me parait minable. Trois contre trois, c’est plus équilibré, non ?
Il y eut un flottement dans la salle. Puis une voix lança, devant eux :
— Alors vous faites copain-copain avec les Procyons maintenant ? C’est bien ce qu’on dit partout : c’est vous, les soldats qui avez tout foutu en l’air en faisant cette guerre. D’abord qui vous êtes, vous ?
— Brigades d’Assaut d’Altaïr, se borna à laisser tomber Ael, tu en as entendu parler ?
Il ne fallait plus tergiverser. De toute manière, la bagarre était inévitable. Seulement, le clan qui cognerait le premier prendrait un avantage psychologique sur l’autre, malgré l’énorme disproportion des forces. C’est pourquoi les mains d’Ael frôlèrent les hanches de Michelli et de la fille une fraction de seconde avant qu’il ne bondisse en direction des voyous.
Ses compagnons comprirent et s’ébranlèrent dans le même temps. Les voyous eurent un mouvement de recul. C’est ce que cherchait Ael : un flottement qui leur donne l’initiative pendant un instant.
— Objectif la porte, murmura-t-il.
Leur attaque fut si soudaine qu’ils furent sur les trois voyous avant que ceux-ci n’aient eu le temps de se préparer au choc. Ael feinta du poing gauche le gars qui lui faisait face pendant que sa jambe droite filait vers son objectif : l’entrejambe du gars.
Celui-ci ouvrit une bouche énorme, porta ses mains à son bas-ventre et commença à glisser au sol.
Les trois voyous avaient disparu. Il n’y avait plus personne juste devant Michelli et la fille. Eux aussi avaient liquidé leur adversaire direct. Il fallait en profiter.
— Allez ! gronda-t-il en s’élançant.
Ils arrivèrent groupés contre la foule qui les séparait de la porte. Ael eut le temps de voir la fille s’envoler dans un ciseau parfait qui lui permit de frapper de la botte le menton d’un grand gars qui partit en arrière, les bras écartés. Michelli, qui dépassait tout le monde de plus d’une demi-tête, saisit deux types par le cou, un sous chaque bras, et les balança successivement devant lui en faisant une rotation du torse. Il adorait ce mouvement-là.
Les deux corps voltigèrent et s’abattirent sur ceux qui les suivaient, les envoyant au sol. Une partie du chemin était dégagée. Ael n’eut pas besoin de donner un ordre ; les deux autres démarraient comme des fous vers la porte, se frayant rapidement un passage, distribuant des coups, et en en recevant, sans s’arrêter.
Ils y étaient presque, après avoir lancé des revers de poing sur les visages à portée, quand ils se trouvèrent devant quatre voyous qui brandissaient des sièges au-dessus de leur tête.
Sans s’être concertés, d’un appel des deux pieds suivi d’un coup de rein, ils s’envolèrent, tous les trois, les bottes en avant. Leur vitesse et la puissance de leurs ruades pulvérisa l’obstacle. Ils roulèrent au sol et se relevèrent à temps pour balancer la double porte donnant sur le petit sas et la seconde double porte s’ouvrant sur l’extérieur.
— Sarmaj, à gauche, lança Ael qui freinait pour s’embusquer à droite des battants.
La fille stoppa un peu plus loin, surprise par la manœuvre. Mais elle ne réfléchit pas, revenant sur ses pas pour se placer à côté d’Ael, à droite de la porte.
— On démolit ceux qui sortent, lâcha celui-ci, parlant très vite. Ça ralentira les autres, le temps qu’on file. Tu sais où aller te planquer ?
Il ne se rendit pas même compte qu’il venait de la tutoyer. C’était venu spontanément, comme si cela allait de soi. Comme si elle était des leurs depuis toujours.
— Il n’y a rien, ici. Ils vont patrouiller dans les rues toute la nuit, pour nous chercher, après ce coup-là.
— Un Mob ?
— Plus rien.
— Tu veux filer avec nous ?
— Où ?
— L’astroport. On a un Plateau, derrière la cafet’.
— O.K.
Ils n’eurent pas le temps d’ajouter quelque chose ; trois types se gênaient pour sortir. Michelli fit un pas en avant et ses deux énormes poings vinrent frapper les mentons des deux voyous de droite qui s’effondrèrent, sonnés. Ael avait pivoté sur la jambe gauche et balancé la pointe de sa botte dans l’estomac du dernier, de son côté. Les trois types s’effondrèrent en tas au moment où deux nouveaux jaillissaient des portes, s’empêtrant les pieds sur leurs copains et tombant en avant.
Michelli frappa du pied, cette fois, et la fille battit Ael de vitesse pour sabrer du tranchant de la main une nuque offerte.
— Eh, Cap, on leur grille leurs petites économies ? fit Michelli avec un grand sourire.
Ael rit et hocha la tête.
— Tu nous couvres ? dit-il à la fille, tout en se baissant.
Sans attendre sa réponse, il se pencha vers le tas de corps inanimés et sortit un couteau-laser militaire de son ceinturon. Il saisit le premier bras venu, dévoilant le classique bracelet toutes-fonctions. Il fit jaillir le rayon laser de son couteau et l’appliqua sur le métal qui changea de teinte. Puis il passa à un autre. En face, Michelli faisait de même.
Tout avait été très vite quand la porte s’ouvrit à nouveau sur trois silhouettes. La fille fit deux pas et frappa sèchement des deux mains en couperet, au cou. Elle n’eut pas le temps de s’occuper du dernier il avait fait demi-tour en braillant pour prévenir ses copains du piège qui les attendait, dehors.
Ael n’avait pas levé la tête, seul Michelli avait jeté un œil rapide à ce qui se passait.
— Je crois que c’est terminé, Cap, fit-il en se redressant et coupant le rayon de son couteau.
— On file au Plateau, dit Ael en se redressant.
Ils se mirent à courir vers l’angle du bâtiment et aperçurent leur engin. Ils sautèrent à bord, Michelli le premier à l’avant, mettant les contacts et empoignant les commandes rudimentaires. Le Plateau se hissa à un mètre du sol sur ses plaques anti-G et le Sarmaj mit la puissance. Ael et la fille avaient eu le même réflexe de s’accrocher, derrière, sur la plate-forme.
Des silhouettes apparurent devant, sortant d’une porte latérale de la cafet’. Michelli ne ralentit pas, fonçant droit. Il y eut un bruit assourdissant. “Un Projecteur sonique,” eut le temps de penser Ael. “Ils en sont encore là ?” Et puis la colère le saisit. On essayait de les tuer, là… Il n’y avait eu qu’une simple bagarre, et on voulait maintenant les tuer ?
Mais jusqu’où irait la violence ? On sortait d’une guerre de 11 ans, entre les Fédérations d’Altaïr et de Procyon, qui avait fait plus de 42 millions de morts, pour déboucher sur une paix qui aurait sûrement être pu signée des années auparavant…
Il y eut encore un tir avant que Michelli ne vire brutalement, les mettant à l’abri de bâtiments.
Ael secouait la tête, écœuré. Il sentait en lui ce sentiment qu’il avait si souvent éprouvé, ces dernières années, mais qu’il n’avait jamais su extraire de son inconscient pour l’analyser.
Il se tourna vers la fille de Procyon.
— Tu veux rester sur M 75 II ?
Elle le regarda avec étonnement.
— Tu rigoles ou quoi ? Tu aurais envie de rester avec ces brutes, toi ?
— On a un engin, à l’astroport. On va filer en vitesse, tu veux venir avec nous ?
Dans la pénombre, il ne voyait pas ses yeux mais il sentit le poids du regard de la fille. Il se passait quelque chose qu’il ne savait pas traduire.
— Oui, se borna-t-elle à répondre brièvement, après un temps.
— Tu peux guider Michelli par le chemin le plus court ?
Elle hocha la tête et se glissa souplement vers l’avant.
— Prends à gauche, l’entendit-il lancer brusquement, et tout de suite à droite.
Ils longeaient ce qui était censé être des rues. En réalité, il s’agissait de chemins de terre battue longeant des abris modulables en plasto. Cette planète était décidément sinistre.
— Arrête-toi avant le croisement, dit-elle encore. Le poste de la Milice est là, à droite. Il faut voir s’ils n’ont pas été prévenus.
— Ils sont équipés de quelles armes ? cria Ael.
— Soniques de combat et de poing.
C’était donc un Milicien, hors service, qui les avait allumés plus tôt. Ces types étaient inconscients. Ou bien certains de leur impunité.
Le Plateau s’arrêtait. Ils virent plus loin un vieil engin à coussin d’air, chargé de Miliciens, démarrer vers l’autre extrémité de la sorte de large voie de terre battue, dans le hurlement de ses compresseurs.
— Ils vont vers la route de Chimba, dit encore la fille. C’est à côté de l’astroport. Il va falloir faire vite et ne pas se faire remarquer pour embarquer. Prends à gauche et appuie à fond.
Elle leur fit emprunter des petits passages que jamais Ael n’aurait osé prendre. On les distinguait à peine, à 30 mètres ! Mais Michelli, c’était l’une de ses qualités, ne se posait pas de question. Il faisait confiance à la fille. C’est une chose qu’Ael avait toujours admiré chez le Sarmaj. Cette faculté de masquer ses craintes près de quelqu’un qui savait, apparemment, ce qu’il faisait. Lui, Ael, doutait toujours, y compris de lui-même, vérifiant et revérifiant chaque détail, en permanence. Capable, pourtant, de coups d’audace, dont il s’apercevait, ensuite, qu’il en avait inconsciemment mesuré les risques.
— Maintenant, coupe au travers, fit la fille en tendant le bras en direction d’une immense étendue plate marquant la fin de la ville.
— Je peux te poser une question, ajouta-t-elle après quelques secondes, se penchant en avant et en criant pour dominer le sifflement de l’air ?
— Ouais.
— Pourquoi avoir chauffé les bracelets des minables ?
Michelli se mit à rire, avant de brailler :
— Ça, c’est une astuce du Cap. Avec la chaleur déclenchée par le laser tout ce qui figurait sur leur bracelet est effacé. Tout. Ils n’ont plus d’identité, ils n’existent plus ! Déjà, sur Altaïr, c’est toute une histoire pour obtenir un nouveau bracelet. On fait une enquête sur toi, on fouille ta vie dans le détail, on vérifie tout ; mais ici, les autorités ne sont ni autorisées, ni équipées, pour fabriquer un double ! En plus, les minables ne peuvent plus avoir accès à leur compte financier ! Leur fric est perdu…
— Comment ça ?
— Pour payer quoi que ce soit, tu passes ton bracelet devant un enregistreur-identificateur, d’accord ? Quand on te paie, c’est la même chose on imprime sur ton bracelet la nouvelle somme dont tu disposes. Mais sans bracelet, ils ne peuvent même plus se payer un verre. Leur compte est inaccessible, ils ont plus rien, les gars !
Pour la première fois la fille partit d’un grand éclat de rire.
Brusquement l’astroport fut là. Ael reconnut les dépôts. La BDLD se trouvait un peu à l’écart. Il se leva à moitié pour faire un tour d’horizon.
La fille devina ce qu’il pensait et lança :
— On les verra arriver, ils gardent toujours leurs phares allumés. Ils n’ont pas d’amplificateur de lumière, ici.
Il ne répondit pas, criant à Michelli :
— Tu stoppes près de la rampe arrière et tu rentres le Plateau. Je monte dans le poste pour lancer les procédures. Tu me rejoins dès que possible.
— D’accord Cap.
— Et moi ? interrogea la fille, alors que le Sarmaj commençait à ralentir.
— Tu as une spécialité ? demanda Ael.
— Technicienne d’Électronique Avancée. La plupart du temps, Com et Détection, quoi.
— Fabuleux, dit Ael, c’est pas notre truc ! Tu me suis, ajouta-t-il en sautant au sol.
Le Plateau venait de stopper derrière un appareil étonnant. Ni beau, ni franchement laid. Fonctionnel, plutôt. Rectangulaire, relativement plat par rapport à ses 60 mètres de longueur. La forme la meilleure pour assurer une bonne sustentation, aux anti-G, en atmosphère. Deux gros props, serrés l’un contre l’autre, au-dessus de la coque arrière faisaient une protubérance disgracieuse. Le métal de la coque était nu, sans peinture sur la couche de vernis incolore, capteur de protons, destinés à recharger automatiquement les piles à énergies, dans l’espace ou au sol.
— Mais c’est une Barge de débarquement, une de vos BDLD du début de la guerre, fit la fille, surprise, cette fois. Où avez-vous eu ça ?
— Surplus de guerre, lança Ael en cavalant vers une porte latérale qu’il ouvrit en pressant deux boutons, sous une plaque, alors que son compagnon menait le Plateau vers l’arrière de l’engin.
Une trappe s’ouvrit, laissant apparaître une marche et une coursive étroite. Ael grimpa rapidement et attendit qu’elle ait pénétré pour commander la fermeture. À ce moment seulement, une lumière jaune jaillit du plafond.
Sans dire un mot, Ael emprunta la coursive métallique qui débouchait tout de suite sur l’immense soute de l’engin, à la hauteur du niveau inférieur. Il tourna à droite pour longer celui-ci sur une passerelle qui le parcourait depuis la rampe arrière – déjà en train de se refermer sur le Plateau – et l’avant, sur la droite. Il régnait une curieuse odeur dans le petit bâtiment. Quelque chose qui faisait penser à du neuf. Pourtant la BDLD était d’un modèle datant d’une quinzaine d’années.
Arrivé au bout, Ael gravit rapidement deux petites échelles donnant sur une coursive bordée de portes fermées puis, au-dessus encore, sur un poste de pilotage où il pénétra. Il s’assit immédiatement dans le fauteuil de gauche et commença à basculer des séries de contacteurs. Un instant, la jeune femme s’étonna de la présence des larges et confortables fauteuils, manifestement usagés alors que tout le reste semblait neuf.
Des voyants s’allumèrent, les uns en rouge, d’autres en jaune ou vert. Puis tout le panneau avant, devint transparent révélant le décor de l’astroport.
— On a récupéré une Détection, mais elle est dans la soute. Pas installée, dit-il. Assieds-toi derrière, à la Com, et coupe la caméra holo. Je ne veux pas qu’ils enregistrent une séquence de nos visages, s’ils nous appellent. Les voix suffisent.
— Je monterai votre Détection, fit-elle, ça me rendra utile.
Elle regardait avec curiosité autour d’elle notant que le tableau de bord, les plafonds, les tableaux, les voyants paraissaient neufs ! Un ronronnement, discret, se fit entendre. Les plaques anti-G venaient d’être activées et étaient sous tension. Ael allait passer aux props quand Michelli arriva.
— Je m’en occupe, Cap, fit-il en s’asseyant en place droite. Je les lance en même temps. La Milice s’amène, là-bas, à droite.
Effectivement on distinguait des phares à deux kilomètres.
— On partira par la gauche, au ras du sol, annonça Ael. Le blindage de la coque ne craint rien, s’ils nous tirent aux soniques, mais ça pourrait faire des dégâts aux plaques.
Les props démarrèrent dans un vacarme épouvantable. À froid, ces engins à protons étaient terriblement bruyants. On devait les entendre depuis la ville…
— Tu me diras quand ils auront dépassé 50% de la puissance nominale, cria alors Ael. On décollera aux anti-G.
— Tu crains quelque chose de précis, Cap ? demanda le Sarmaj.
— Précis, non, se borna à répondre son ami.
Vingt secondes plus tard Michelli annonçait :
— 51%.
— On y va, fit Ael en saisissant les commandes.
La BDLD quitta le sol quasiment sans le moindre balancement, comme c’est souvent le cas aux anti-G.
La fille secoua doucement la tête en guise d’approbation.
— Ils ont une bonne main les seconds pilotes chez vous, cria-t-elle, pour dominer le bruit des props qui se stabilisait peu à peu.
— C’est parce que le Cap a eu une formation de pilote de combat, au début de la guerre, envoya Michelli sans tourner la tête.
— Et puis ? interrogea-t-elle.
Ce fut Ael qui répondit, avec une sorte de rire amer.
— Un mois avant la remise des diplômes, on nous a dit qu’il y avait trop de pilotes de combat mais qu’on manquait de monde dans les Brigades d’Assaut, au sol. Remarque, j’aurais du m’en douter. Une semaine auparavant, on nous avait fait passer une série de tests reposant surtout sur la vitesse et la résistance à l’effort physique. Et moi, comme un débutant, je ne me suis douté de rien. Je me suis donné à fond…
— Alors ?
— Alors, je me suis retrouvé dans les Troupes au sol ! Pour faire passer la pilule, on nous a donné un brevet numéro 2 de pilote galactique civil, par équivalence, et on a transformé ceux qui avaient de bonnes notes, aux tests sur BDLD, pour une seconde qualif’. Voilà comment je me suis retrouvé ensuite dans un camp d’entraînement des Brigades d’Assaut… Comme tous les gradés de ces B.A. devaient avoir une double compétence, pour nous c’est devenu “copi” de Premiers pilotes de Barges, qui en connaissaient moins que nous sur le vol ! Et je ne te parle pas de la navigation. À la première plongée en Temps Relatif, j’ai pris les commandes d’autorité… Vive l’Armée !
— Tu sais, ce n’est pas pire que chez nous. Tout le monde sait qu’à Procyon, nos vaillants dirigeants, civils ou militaires, copient les autres. Quand on a su que, chez vous, dans les B.A., les gradés avaient deux qualifs, le commandement a décidé la même chose pour notre Division de combat. Sans se demander pourquoi vous le faisiez ! Moi j’avais eu une formation d’électronicienne, en Maternas, et je me suis retrouvée dans une Division de Combat ! Et comme seconde qualif’ : “Électronicienne Avancée,” ils ont appelé ça. On était censé réparer sur place le matériel qui tombait en rade. Seulement, sur place, ça veut dire au combat. Tu penses qu’on a le temps, dans ces moments-là… Moralité, il fallait se débrouiller pour ramener le matos en panne afin de le réparer au repos… Enfin, ça m’a permis d’apprendre à me servir de mes mains et pas seulement de faire des calculs sur ordi…
Le sol défilait de plus en plus vite, devant eux. Ael avait branché la vision infra et le décor était jaune clair, mais d’une parfaite précision.
— On grimpe, dit-il en manœuvrant, Michelli passe les props en éjection. Attention à la poussée, j’ai affiché 95%.
Effectivement, ils furent sévèrement collés au dossier de leur siège. Sauf la fille assise en travers de la trajectoire et qui bascula sur le côté, malgré son harnais magnétique.
— Bon Dieu ! jura-t-elle pour la première fois, qu’est-ce que c’est que vos props ?
— Excuse-moi, fit Ael, j’aurais dû te prévenir. On les a changés. Ils ne sont pas d’origine. La pesanteur reviendra en espace.
— Wouaou, des monstres vos trucs !
Elle allait ajouter quelque chose quand la Com émit :
— L’engin spatial qui vient de quitter M 75 II doit impérativement regagner l’astroport pour contrôle.
— Je vais répondre, dit Ael. Surveille l’installation, s’il-te-plaît, elle est un peu bricolée.
— Oui, ça j’ai vu. Je te passe le son.
— M 75 II, vous n’êtes habilités à aucun contrôle, votre astroport n’est pas qualifié. Nous quittons vos abords. Terminé.
— Engin spatial inconnu, nous vous soupçonnons d’être des déserteurs et d’avoir volé cet engin. Rendez-vous ou nous vous abattons.
— Qu’est-ce que ça veut dire, Cap ? demanda Michelli comment ils pourraient nous abattre ?
— Ils ont une batterie de Missiles Spatiaux de Défense, lâcha la fille d’une voix détimbrée. On les en a équipés au début de la guerre, j’ai entendu dire. Ils en étaient très fiers.
— Et ils ont du personnel qualifié pour l’utiliser ? s’inquiéta Ael.
— Pas nécessaire. Il s’agit de vos vieux Beta 27. Peu d’accélération mais ils se calent automatiquement sur l’émission de leur cible. Il suffit d’enlever les sécurités et de presser la mise à feu pour les faire décoller. Ça, n’importe quel imbécile peut le faire.
Personne ne réagit, ce n’était pas utile. Ils venaient d’utiliser leur Com, ça suffisait pour que les ordis des missiles les aient accrochés ! Ils les suivraient n’importe où, maintenant !
— Quelqu’un se souvient de la vitesse de croisière exacte de ces saloperies ? finit par lâcher la fille.
— Pour la vitesse, ça va, je pense, on peut les garder à distance mais ils sont capables de continuer la poursuite en Temps Relatif, dit Ael. On ne peut pas les lâcher. N’importe quel anti-missile banal les détruirait, mais une BDLD n’est pas un engin de combat.
— Engin spatial inconnu, nous mettons à feu, reprit la voix dans les diffuseurs du poste.
— Sarmaj, envoie toute la puissance. On va passer en Temps Relatif dès que possible. Là, au moins ils ne peuvent pas nous rejoindre.
— Mais ils resteront derrière, dit Michelli.
— Oui… il faudra trouver un moyen de s’en débarrasser.
La fille intervint :
— Mais tu viens de dire que c’est impossible…
— Attends, la coupa Michelli, le Cap réfléchit.
Elle le regarda, surprise de ne pas trouver d’écho de sa propre inquiétude sur le visage du grand Sarmaj.
Quelques minutes plus tard Ael reprit.
— Dis-moi… ah, merde, on ne connaît même pas ton nom.
— Katel.
— Moi, c’est Ael et le Sarmaj, Michelli… On a récupéré aussi un Ordi Général de Navigation Astronomique et un Directeur de vol. Mais on ne les a jamais installés non plus. Trop compliqué pour nous. Tu saurais le faire ?
— Il faut que je le vois. C’est urgent ?
— Plus que ça. Je vais plonger en Temps Relatif mais je voudrais choisir un bon cap.
— O.K.
Michelli s’était déjà levé et la précédait hors du poste pendant qu’Ael sélectionnait le petit ordi de navigation de la Barge. Il afficha les six zones spatiales entourant celle de M 75 II, cherchant une région dégagée où émerger. Puis, pour gagner du temps, il afficha les paramètres d’un secteur libre, à trois jours de Temps Relatif, sur le tableau de bord, devant lui.
Cinq minutes plus tard, Katel et Michelli revenaient. La fille se pencha sur l’ordi de navigation. Puis elle lâcha son verdict :
— Votre grand ordi de Navigation Astronomique ne supportera pas le logiciel de l’autre. Pas assez de puissance. La seule solution est de brancher carrément toute l’installation dans le poste, ici.
— Longtemps ?
— Six heures de travail au moins, je ne connais pas ce matériel.
— À cette accélération, on va plonger dans moins d’une heure et demie… Bon, est-ce que tu peux te mettre au boulot ? J’ai trouvé un secteur libre à trois jours de route, en Temps Relatif. On va y aller, le voyage te laissera le temps de travailler tranquillement.
— En trois jours, je devrais avoir le temps d’installer aussi la Détection. Je viens de la voir. C’est du bon matériel, fiable. Un peu lent, aujourd’hui. En revanche, la définition est très fine… Mais ça te donnera quoi tout ça ? On ne va pas fuir devant ces missiles toute notre vie ?
Ael ne répondit pas et Michelli prit discrètement le bras de Katel pour lui faire signe de sortir du poste.